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Ce blog s'intéresse au discours et à la silenciation, l'exclusion d'objets langagiers du champ des possibles langagierss

Silence sur la vague islamiste : la complicité africaine

Publié le 2 Août 2012 par Mamadou Diakité in silence, Noir, islamisme, racisme, Arabe

Démocratie, droits de l'homme, libertés individuelles. Au moment où les Africains commencent à récolter les premiers fruits de leurs longues luttes, patatras, la charia arrive, lourdement réarmée par des stratèges enturbannés, vestiges du 7e siècle. Disparition de l’État en Somalie, génocide au Soudan, bombes au Nigéria, fouet et lapidation au Mali, vol en éclat de la fragile solidarité au sein de la CEDEAO, sous la menace des attentats. Mais ça n'est pas essentiel au regard de ce qui fait mouvoir le fouet, les bombes et les cailloux. En d’autres termes, avant d'être factuel, le problème est d'abord qualitatif, symbolique (rapport de forces idéologique). Il faut investir ce champ. Mais comme toujours, quand il s'agit des excès des Arabo-musulmans, la complicité du Noir est acquise d'avance. Le silence des élites et des institutions, l'Union Africaine (UA) au premier chef, est le signe le plus éloquent de cette complicité. Par défaut.

"Charia", c'est la couverture politico-religieusement correcte du racisme atavique des Arabo-musulmans envers le Noir. Sinon, pourquoi ne pas commencer par imposer la charia aux pays arabes dont une infime minorité seulement en fait la source principale du droit ? Derrière l’étendard de la charia, si bonne que personne n’en veut, se cache la recherche effrénée d’un réservoir d’esclaves, le Soudan, réservoir traditionnel depuis 652, devenant de plus en plus problématique depuis plus d'une trentaine d’années.

C’est presque l’histoire qui se répète à plusieurs siècles de distances. En effet, note Tidiane N’Diaye, lors de la première vague d’islamisation, des « millions d’Africains furent razziés, massacrés ou capturés, castrés et déportés vers le monde arabo-musulman ». [Les jihadistes d’alors se faisaient] « passer pour des piliers de la foi et les modèles des croyants. Ils allaient souvent de contrée en contrée, le Coran dans une main, le couteau à eunuque dans l’autre, menant hypocritement une ' vie de prière ' (Le Génocide voilé, 2008 : 9).

C’est ce processus qui est réenclenché. Son ressort, le "mépris culturel" des arabo-musulmans envers les Noirs. Le président Abdou Diouf, pourtant homme des plus pondérés, a été obligé de le dire en termes non diplomatiques, pour s’élever contre l’attitude de certains princes arabes à l’occasion du 6e sommet de l’Organisation de la Conférence islamique : "Les Arabes en général devraient considérer davantage les Noirs. Il y a là un problème et je ne vais pas jusqu’à employer l’expression de mépris culturel. Nous respectons les Arabes plus qu’ils ne nous respectent. Ce sixième sommet de l’OCI en est l’illustration" (Le Monde 10/12/1991).

Malek Chebel fait l'archéologie de ce mépris, produit d'un melange de doxa, de tradition, de religion, etc., que j'appaelle appareil symbolique arabo-musulman : « Sur le plan des représentations, on doit constater que le regard négatif porté sur le Noir s’est cristallisé depuis l’Antiquité, ce que la tradition arabe, puis la doxa musulmane n’ont fait qu’entériner » (L’Esclavage en terre d’islam 2007 : 45)

Ibn Khaldoun, auteur arabe du 15e siècle, justifie le mépris : « la plupart des nègres s’habituent facilement à la servitude ; mais cette disposition résulte […] d’une infériorité d’organisation qui les rapproche des animaux brutes » (Prolégomènes 1 : 310).

C'est ce haut degré de mépris qui explique, au Soudan par exemple, le génocide, les traitements inhumains et dégradants, la mise en esclavage de Noirs, même musulmans, en raison de la couleur de leur peau. Pourquoi le Noir n’aurait-il pas d’ailleurs la liberté de choisir sa religion, puisqu’il existe des Arabes athées ? Les Israéliens sont en majorité des non musulmans et c'est la porte d'à côté. Pourquoi ne pas d'abord les islamiser, les soumettre à la charia avant d'investir l'Afrique subsaharienne? Seul le racisme envers le Noir et le mépris qui en découle permettent de répondre à ces questions.

L’élite africaine avale ce mépris. Au mieux en se taisant devant le génocide du Soudan, se contantant juste de répéter la musique des Arabes : « Il n’y a pas de génocide, mais une crise humanitaire (famine et autres)" ou bien, "C'est une guerre de religion". Au pire, l'Union Africaine, malgré le mandat d'arrêt de la CPI, sert de bouclier institutionnel au président Soudanais Omar el Béchir, le Nègre commandant en chef des Nègres de service, arabisé pour raison de service.

L'UA doit aux citoyens africains des explications sur la protection qu'elle assure à El Béchir. Sa nouvelle patronne, Dlamini-Zuma, vient d'en donner une le 1/8/2012, sur nouvelobs.com. Selon elle, il serait néfaste d'arrêter el Béchir parce qu' "Il est important de faire la paix au Soudan, surtout au Darfour. Le président el-Béchir doit participer à ça". Donc la culpabilité du "président" est reconnue mais pas d'arrestation. L'UA est coutumière des faits. La preuve par Hissène Habré. Ce dictateur, depuis 22 ans, n’est pas jugé pour ses présumés crimes. L’offre de service belge a été rejetée parce qu’un colonisé, dit-on, fût-il un criminel, ne peut être jugé par un colonisateur plus coupable mais impuni. Soit. Mais si le dictateur Habré a des droits, ses victimes n’en auraient-ils aucun ? L’UA ne se pose pas ce genre de question, et c'est ce qui autorise à parler de mépris.

Pour Habré, la CPI vient de mettre la pression sur l’UA qui fait semblant de bouger. On verra. En attendant, il faut noter que, comme par hasard, Habré, qui vit au Sénégal depuis sa chute, bénéficie du puissant soutien des confréries religieuses du pays. C’est sous leur pression que l’État avait annulé, en 2011, l’extradition du dictateur dans son pays (1). Pourtant, ces confréries et leurs alliées de circonstance, les islamo-réformistes, sont promptes à défendre les Palestiniens en brûlant des drapeaux israéliens (2). Dans le même temps, rien pour les victimes soudanaises, maliennes, tchadiennes, etc. Peut-être que ces dernières sont psychologiquement trop loin, à la différence des Palestiniens. Traduction : les victimes soudano-tchado-maliennes, africaines en générale, sont si-noires-et-si-pauvres-et-si-bêtes qu’elles méritent leur sort.

L'UA fait du Khaldoun par défaut. Certaines franges de la socité civile africaine aussi, en réclamant des réparation pour la traite atlantique, et rien pour la traite arabe. Pourtant, la traite négrière arabo-musulmane est la première de l'histoire (B. Lewis, Race and Slavery in the Middle East, 1990). Commencée par un bakht (accord) de 652, elle dure depuis 14 siècles. Mais il n'y en a que pour la traite atlantique, qui n'a duré que 5 à 6 siècles. Ce silence d’un positionnement idéologique contre un autre, je l'appelle silenciation. C'est la chose la mieux partagée par les élites noires quand il s'agit du racisme et du mépris des arabo-musulman envers les Noirs. L'essentiel n'est d'ailleurs pas dans le factuel (durée, nombre de victimes...), mais ce qui le rend possible et pérenne, en l’occurrence l’appareil symbolique arabo-musulman.

Au regard du silence sur le racisme anitinègre des Arabes et ses conséquences, et au nom de l’exigence éthique, le professeur Cheikh Anta Diop doit être complété : la "falsification de l'histoire de l'humanité", ce n'est pas seulement, ni même principalement l'œuvre de l’Autre, l'Occident en l’occurrence. En effet, les Arabo-musulmans, avec la complicité de Noirs, y contribuent depuis 652, dans le domaine précis de la traite négrière arabe. Il reste à faire l'archéologie de cette traite au risque de falsifier l'histoire par défaut.

Au total le silence sur le racisme arabe et ses conséquences s'épaissit proportionnellement à l'extension de la ligne de front : Soudan, Somalie, Nigéria, Mali et bientôt... Les explications et analyses restent, à mon sens, superficielles, aériennes, à force de vouloir traiter chaque cas en lui-même, en évitant soigneusement de l'intégrer dans une vision globale. Ainsi, par exemple, l'envahissement du nord Mali par les hordes islamistes sert de voile pour cacher 14 siècles de l'histoire d'un continuum couvrant l'ensemble du Pays des Noirs, le Bilâd as-Sudân, comme on dit en arabe. On oublie que la situation au Mali et même en Somalie est moins le résultat de la puissance de feu que celui d'une force non matérielle, l'appareil symbolique arabo-musulman. En conséquence, pour le long terme et pour l'ensemble du Bilâd as-Sudân, on ne peut contrer la vague islamiste qu'en réinvestissant résolument un champ qu'on lui laisse trop facilement, le symbolique. La défaite américaine au Viet-Nam est une leçon à ce propos.

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